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LUGAGNAC : UN PEU DHISTOIRE

 

Petite commune du Quercy bâtie sur une hauteurd’environ350 mètres et traversée par la départementale 40 qui relie Limogne en Quercy à St Cirq Lapopie. La superficie de la commune est de 1540 ha et sa population est actuellement de plus de 130 habitants.

Lugagnac, on ne trouve ni rivière ni ruisseau, mais d’abondantes sources qui ont permis à la communauté de ne pas manquer d’eau dans une région où celle-ci est une préoccupation majeure. Le terrain, comme tout le Sud du Département du Lot, est pauvre, avec ses calcaires fissurés incapable de retenir les eaux de surface.

Lugagnac a sans doute des origines fort anciennes. L’origine du nom reste sujet de controverses : d’après l’abbé François Lacoste, Lugagnac (dont le nom fut longtemps orthographié LUGANHAC, trouverait son origine dans le patois du Quercy : « Luga », l’étoile du berger, de première grandeur : Vénus ! Serait-ce dire que LUGANHAC aurait, après la période celtique, été un lieu de culte de Vénus ?

D’après le chanoine Albe, le nom de Lugagnac viendrait de « Lucaniacum » (comme la commune de Lugagnac, commune de Brannes en Gironde).

Egalement, d’après le chanoine Eugène Sol, plusieurs villages auraient pour origine ces anciennes

  • villae », vastes exploitations rurales gallo-romaines dont le nom était le nom même du propriétaire. La terminaison en « hac » donnant le plus souvent le nom des premiers propriétaires, Lugagnac serait donc le village des « Lugani », ce qui complète l’interprétation du chanoine Albe qui va dans la même direction. Nous savons que cette partie du territoire de Guyenne appartenait à la maison d’Aquitaine et qu’elle connut le sort de tous ceux sur lesquels se dérouleront les conflits opposant la France et l’Angleterre, ainsi que la croisade des Albigeois. Si, par la suite, Lugenhac (comme on le trouve aussi orthographié) appartenait aux Gourdon de Cenevières, il n’en existait pas moins une famille noble de Luganhac faisant mention du chevalier Huc de Luganhac en 1304. Mais après 1317, la famille noble de Luganhac n’est plus signalée dans la région. La présence de dolmens sur la commune atteste d’une très ancienne occupation humaine sur ce sol.

L’histoire de Luganhac reste étroitement unie à celle du Prieuré de Laramière (fondé vers le milieu du XIIe siècle), car l’église paroissiale du village Saint Pierre Del Truffe lui fut annexée en 1468. L’emprise du Prieuré se poursuivra. Un bail emphytéotique liera bientôt au Prieuré les deux plus gros domaines de Lugagnac : le château du Truffé et la Grezette. Toutefois, les Seigneurs de Gourdon et de Cenevières continueront à affirmer leurs droits lorsqu’ils rendaient hommage à leur suzerain.

Avec l’arrivée des pères Jésuites de Toulouse au Prieuré de Laramière au XVIIe siècle, les relations avec le clergé et les seigneurs de Cenevières vont prendre une tournure délicate. Il y eut même un procès. Enfin, suite à une ordonnance du 17 août 1730, de la Généralité de Montauban, les prieurs de Laramière cessèrent d’exploiter les métairies de la Grézette et du Truffé.

En 1721, le Sieu Huguoz Dubrun, bourgeois du Truffé, occupait le château ainsi que l’atteste un testament. Il semble qu’à cette époque, il était déjà propriétaire car il engagea un métayer venu d’Auvergne : Pierre Rames. Parallèlement, Jean Theil, bourgeois, semble être devenu propriétaire de la Grézette. La famille Rames va alors acheter le domaine de la Bouriette, tandis qu’un Portal devenait propriétaire du Mas de la Croze. Ainsi, sans attendre la Révolution, la paysannerie accédait à la propriété.

Lors de la Révolution, la population ne semble pas avoir témoigné de haine pour l’ancien régime, bien que l’église de St Pierre-del-Truffé ait été pillée et saccagée. Le conseil Municipal est alors composé de propriétaires. Seul le citoyen Marconnié, ancien cordonnier de Lugagnac, nommé Agent National le 6 avril 1793, sera un vrai militant révolutionnaire répertorié.

Les élections se suivront de 18 mois en 18 moisjusqu’au28 août 1799, date à laquelle les Maires et les Adjoints ne sont plus élus mais nommés par arrêtés préfectoraux. Dès lors, l’histoire de Lugagnac se confond avec celle de la Région. Trois noms ont persisté à Lugagnac depuis Louis XVI : les Romec (qui eurent plusieurs charges de notaires et furent élus municipaux. Cette famille n’existe plus sur le village) ; les Rames (qui donnèrent à la commune de nombreux maires et adjoints) ; les Bach (dit Tinré ou Catié, dont plusieurs furent notaires également. La famille Bach fut très nombreuse. On en distingue 13 branches, désignées pour les distinguer par des sobriquets, lesquels sont également utilisés pour beaucoup d’autres noms de famille).

Les bâtiments et monuments principaux :

Plusieurs maisons dans le village se sont délabrés au fil du temps et ont disparu : celle dite de « l’ancien notaire royal ». C’était une magnifique maison avec un grand portail cintré. Seul le pigeonnier est encore debout ; celle de BONNET près de la petite chapelle où devait vivre un tisserand (on y a retrouvé quelques traces d’un métier à tisser) ; la maison dite « du catalan » ; une autre sur la route de Limogne qui avait servi d’école en attendant la construction de la neuve. Des nouvelles maisons ont été construites à l’emplacement de ces dernières.

Détail intéressant :lorsqu’on est au « Pech » sur l’ancien chemin de Lugagnac à Limogne, on voit bien que tous les pigeonniers sont sur le « Barri », la côte qui mène au village. De plus, dans tous les villages où un chemin s’appelle le « Barri », il y avait une tour, une tour de guet probablement. A Lugagnac, elle aurait été érigée à l’emplacement du presbytère.

Autrefois, le gros du village était autour du château du Truffé et de la Bouriette. C’est là que se trouvent les vestiges de l’ancienne église. Les grosses fermes employaient des domestiques et des journaliers, qui étaient peut-être logés dans les petites maisons du haut du village.

Au Mas de benech, dans une maison actuellement en mauvais état, on a retrouvé des habits de prêtre. Serait-ce une ancienne sacristie ? Quant au château du Coual, les prieurs de l’église St-Pierre-del-Truffé l’ont utilisé comme presbytère.

Enfin, l’ancien moulin à vent du village a été transformé en châteaud’eau.

Les dolmens :

On trouve deux dolmens :l’unprès de Roquecave et un derrière le « Coual ». Un troisième se situe entre Lugagnac et Limogne. Ces grosses pierres plates posées sur de solides piliers datent du néolithique final (2500 avant JC). Les derniers dolmens furent construits vers 1600 avant JC. Cette religion mégalithique préceltique a donc duré un millénaire en Quercy !

Il est certain que ces dolmens servaient de lieu de sépultures pour les groupes humains qui les avaient bâtis, mais on ne sait rien des cérémonies qui s’y déroulaient.

Les Cazelles :

Les Cazelles datent surement du XIXe Siècle. Elles devaient servir à abriter les paysans pendant les 8-10 jours des semailles. Peut-être certaines ont été construites par des ouvriers italiens de passage, mais d’autres ont été bâties par les bergers et les vignerons. Il y en a plus de 200 sur la commune de Lugagnac ! Ce sont des cabanes en pierres entassées qui ont presque toutes une voûte.

Parfois, on trouve même un groupe de Cazelles. Il en existe une superbe à visiter à Lugagnac. Parfois, elles se réduisent à un abri où le berger tient juste assis. Nous avons aussi une Cazelle où la place du chien était également prévue ! En Provence, ces cabanes s’appellent « les Bories ». Chez nous, il s’agit de Gariottes ou de Cazelles.

L’église :

Les vestiges de l’ancienne église se trouvent près du château du Truffé. Mais à l’endroit de l’église actuelle, il y en avait une de toute petite car le village était lui-même fort petit. La nouvelle église a été construite de 1872 à 1874. A cette époque, il y eut une polémique pour savoir où elle serait construite : « l’évêque a tranché pour qu’elle soit à l’emplacement de l’ancienne petite ». L’aménagement du cimetière s’est achevé en 1895.

L’école - la Mairie :

Il existait au village, une école congréganiste tenue par les sœurs de VAYLATS, antérieure à l’école communale. Certains garçons allaient à celle de Limogne. En 1879, le devis de l’école communale laïque de garçons a été déposé. Dans le même corps de bâtiment, était prévue la salle de la mairie, qui est toujours en fonctionnement. L’école fut bâtie de 1881 à 1883. Jusqu’en 1945, les filles du village continuèrent d’aller à l’école des sœurs.

La chapelle Notre Dame des 7 Douleurs :

Au départ, une chapelle aurait été construite sur un dolmen. Il y avait des flammes, des feux follets qui montaient et des gémissements autour du dolmen. Les gens qui avoisinaient se plaignaient de toutes ces choses, si bien que Jeanne Dubrun, dernière descendante du Truffe fit supprimer le dolmen et fit construire la petite chapelle à la place en 1740. Cette chapelle annonce une magnifique vue : par beau temps, on y voit tous les monts d’Auvergne.

Dans la chapelle, se trouve une vierge en bois qui a dû être dorée à la feuille. C’est un polychrome en bois qui devait être dans l’ancienne église. Ce n’est pas une Vierge des Douleurs et elle date probablement du XVIIème Siècle. Il y avait également un tableau avec la Vierge et l’Enfant, mais il a été malheureusement mal restauré.

Quoiqu’il en soit, cette chapelle possède toute une histoire : située à 300 m du bourg, sur le route de St Cirq Lapopie, ce petit oratoire au toit couvert de lauzes, dédié à ND des 7 Douleurs, possède une entrée en arc surbaissé. Deux traditions s’affrontent : la première raconte que les charretiers et muletiers circulant entre Limogne et St Cirq Lapopie, avaient coutume de s’arrêter à ce sommet de la côte pour faire reposer leurs bêtes et dire quelques prières à la Vierge pour s’assurer bonne route. La deuxième veut que la chapelle ait été construite sur l’emplacement d’un dolmen. Depuis, on pense que les deux traditions sont complémentaires et surement exactes.

La chapelle fut restaurée en 1859. Sur la façade, on trouve la date de 1740. Un oratoire existait-ildéjà en ce lieu avant 1740 ? L’Evêque de Cahors, à cette époque, était Mgr Briqueville de la Luzerne, connu pour avoir fait détruire certains mégalithiques qui étaient toujours l’objet d’un culte de la part des populations rurales, ce qui confirmerait la tradition selon laquelle le dolmen fut remplacé par l’oratoire. Cet oratoire a été restauré de nouveau et nous pouvons le visiter, prier, tout en profitant de la beauté du moulin, d’un côté, et de la vue magnifique, de l’autre.

Blason, linteaux, croix :

Le blason, c’est les armoiries du village. Il se rapproche de celui de Cenevières. On y voit trois étoiles et une plume. On trouve aussi des croix de Malte qui seraient des traces du passage des croisés. Il y a même un linteau qui porte des croix templières et qui a été reconstitué.

Les fêtes de Lugagnac :

On sait que la fête patronale avait lieu le 1er août et que la paroisse est sous l’invocation de St Pierre ès-Liens (avant la Révolution). Mais on ignore pourquoi ce saint était le protecteur du village. Puis, la fête votive eut lieu le dernier dimanche de juillet, ce qui fit qu’elle tombait toujours un dimanche.

Ensuite, il y avait « le roi de la Fête » qui durait un dimanche au Printemps. Il y avait la Saint Jean qui se fêtait avant 1914. En 1945, le feu de la St Jean fut relancé avec des rondes et des pyramides. Il paraît qu’il y avait un cracheur de feu dans le village, à cette époque !

Pèlerinages :

A Lugagnac, une source coule au flanc d’une petite falaise rocheuse sur laquelle existait une église dédiée à St Martin, dont il ne reste plus rien. Cette source, dite « de Candes » ou « de St Martin de Candes » était renommée pour les yeux. Située dans une combe très isolée, cette source n’est plus trop fréquentée.

Il existe aussi un rocher dit « Sainte Rupine » qui s’élève à proximité de la source du Bournac. Le culte du rocher associé au culte de la source, pendant des périodes de sècheresse, permettait aux habitants de Crégols, Trégoux et Lugagnac d’aller en procession chercher de l’eau. Sainte Rupine, nom visiblement tiré du latin « rupina » (rocher, falaise), n’a fait que christianiser la divinité païenne qui régnait en ces lieux. Car on ne trouve aucune trace dans les calendriers d’une citation de Ste Rupine.

C’est incroyable comme une si petite commune peut avoir tant de richesses.

Sources : https://archive.org/stream/RevueDeLAgenais23/Revue_de_l_Agenais_23_djvu.txt

Full text of "Revue de l'Agenais et des anciennes provinces du Sud-Ouest"